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Freud en chantier
Marie-Caroline Heimonet
Résultat : Ich est essentiellement corporel
Es devient l’Ich est peut-être la formule d. l’hypoch2.
Nombreux sont ceux qui ont lu, qui lisent et qui liront les textes de Freud ; dans toutes sortes de langues : des langues qui « traduisent », la langue dite originale aussi. « J’ai lu tout Freud ! », déclaration en forme d’autodérision. Langue originale est-elle langue « maternelle » ? Et d’ailleurs, lit-on jamais une langue « originale » autre que la sienne ? N’y aurait-il pas traduction, voire transcription à chaque fois que l’on se penche sur un texte ? Quelle langue parlait donc Freud ? La sienne, un viennois austro-hongrois du tournant du siècle, peut-être teinté d’un (pas si) lointain yiddisch, celui de sa Bohême natale… la langue de Freud, c’est certain.
Ma rencontre avec la langue autrichienne fait partie de mon histoire, de mes histoires. Je n’ai jamais lu Freud en français, toujours en allemand ou plutôt, en autrichien-allemand, dans la langue du quotidien, Alltag, Alltagssprache. Langue « originale » (je l’ai cru un temps). La première lecture fut les Vorlesungen4, un style adressé, direct et vivant, presque oral ; pas dogmatique, sans jargon et maniant l’humour avec adresse. Alltagssprache. Peut-être le ton de l’explorateur : souvent simple et attentif, méticuleux, dans un questionnement permanent. Pas encore de rencontre avec des « concepts freudiens » tels que le « la belle indifférence » de l’hystérique, encore moins (on va le voir) la « neutralité bienveillante » invention de traduction, ni même d’« attention flottante ».
Ne pas traduire d’une langue à l’autre évacue la question de la traduction… du moins pour un temps. Il m’est arrivé parfois de buter sur certains textes et de me risquer à lire une traduction française pour trouver de l’aide dans une langue que je croyais « maternelle », mais cela n’était que pour constater que l’obstacle était ailleurs ! La question s’est posée en commençant à essayer de travailler les textes freudiens avec d’autres, en français. Expérience tout à fait Unheimlich de reconnaître un texte toutefois soudainement devenu étranger. Certes, peut-être, les mots, la grammaire, la syntaxe, étaient traduits, mais le texte ? Comme on dit « le corps du texte », la text-ure ? Ne plus reconnaître Freud dans le texte.
C’est notamment en travaillant une possible traduction de plusieurs passages de Daniel Paul Schreber5 qu’est apparu de façon plus saillante encore qu’il ne s’agissait nullement de passer de l’allemand au français mais bien plutôt d’entendre sa Grundsprache 6 ! « Malentendu fondamental » ! Il n’y a peut-être pas plus de « neutralité bienveillante » chez Sigmund que de déclaration que « ce doit être une chose singulièrement belle que d’être une femme subissant l’accouplement 7 » chez Daniel Paul ? « Traduire » (ou plutôt « ne pas traduire ») Schreber, non pas au service d’une théorisation mais dans une tentative de découvrir ici quelque chose d’Unerhört : à la fois inouï et scandaleux ! Si inouï, qu’il est là nécessaire de lire à voix haute, de bouche à oreille comme on dit, comme ceux qui, rencontrés depuis déjà longtemps à ce qui n’est plus l’asile, me l’ont appris : savant mille-feuille de registres entendus et parlés qui de l’oreille à la bouche passent aussi par toutes sortes d’organes…
La l’ettre
Il se trouve que la langue de Freud nous arrive non par l’oreille mais par les yeux. Les écrits de Freud ne sont pas seulement imprimés, ils sont aussi des manuscrits désormais parvenus jusqu’à nous. En effet, une grande partie des archives freudiennes sont désormais numérisées et disponibles. Elles permettent aujourd’hui un travail passionnant sur l’histoire, la transmission et la traduction mais aussi la transcription des écrits freudiens. Depuis qu’ils sont accessibles, nombreux sont ceux qui se penchent sur ces manuscrits. Une des premières fut Ilse Grubich Simitis : Zurück zu Freuds Texten8 traduit en français sous le titre : Freud, retour aux manuscrits : faire parler les textes muets. Comme elle le rapporte, à partir de 1913/14, les manuscrits ont été transmis aux enfants de Freud, puis ont finalement rejoint la collection Freud à la Library of Congress de Washington. La lettre de Freud peut désormais parler :
La recherche d’exemples variés m’ouvrit de façon inespérée l’accès aux formations protéiformes et aux contrées mystérieuses d’un paysage qui jusqu’alors était resté largement ignoré et donc inconnu, celui du paysage des manuscrits de Freud9.
Dès sa sortie, au début des années 1990, un article de L’Unebévue en fait la recension dans son numéro 6.
Découvrir ce que Ilse Grubich Simitis a appelé le « paysage » des manuscrits freudiens, c’est aussi se confronter pour nous latins, à sa lettre, la lettre de Freud, celle qu’il avait apprise à l’école, la Kurrentschrift 10. La Kurrentschrift est l’écriture manuscrite de la Fraktur, une lettre gothique ; cette dernière est aussi appelée Textur, c’est la lettre du livre sacré. En usage depuis le xvie siècle, elle est destinée à l’origine au livre de prière. Cursive du gothique, la Kurrentschrift devient la lettre des administrations du Haut Moyen-Âge et bientôt aussi celle du courant, Alltag. Malgré de longs débats sur l’usage de l’« Antiqua » ou de la « Fraktur », cette dernière reste en usage dans l’espace germanophone (et scandinave en partie) : on apprend donc à écrire et à lire un alphabet étoffé !
Écriture du « S » en haut et du « E » en dessous
Cependant, le xxe siècle aura raison d’elle. Le nazisme a brûlé les corps, brûlé les livres et fait disparaître une lettre ; Fraktur et donc Kurrentschrift, furent interdites en 1941 sur ordre d’Hitler : une « uniformisation » facilitant la diffusion d’une propagande haineuse, et visant à faire, plus largement encore, de la langue du Reich, une « langue universelle11 ».
Ainsi la Normalschrift remplace-t-elle dans tout l’espace germanophone et territoires occupés, la Kurrentschrift qui doit désormais disparaître.
Jamais réintroduite à la fin de la guerre la Kurrentschrift disparut des corps, des mains et des regards pour devenir plus présente encore : aujourd’hui, les chercheurs ne sont pas les seuls à devoir retrouver le geste disparu d’une lettre censurée, c’est aussi le cas de chacune et chacun face à la carte postale jaunie de ses aïeux.
Parcourir les rues et ruelles familiarise avec le gothique, la Fraktur encore en usage sur les enseignes ou les plaques indiquant le nom des rues ; cela m’a permis de découvrir un jour avec surprise au cours de recherches variées, que la lecture de journaux imprimés en gothique jusque dans les années 1940, ne posait aucune difficulté ; étonnement et joie de découvrir un savoir insu ! Cependant, bien des fois, cette lettre manuscrite, dans les greniers comme dans les musées, restait muette. Ainsi, pour ceux nés après 1941 ou hors de l’espace germanophone, les manuscrits freudiens et bien d’autres restaient énigmatiques : juste illisibles.
Le régime nazi avait balayé des siècles de lettres et rendu illisible ce qui de la lettre contient le plus de corps, celle de la main, la lettre manuscrite. Une standardisation qui rendait à tous « compréhensible » le message à passer.
Les manuscrits Das Ich und das Es
Internet est là aujourd’hui, faisant de nous ce que Freud avait appelé des « dieux prothétiques » (Protesengott) : les manuscrits de Das Ich und das Es sont disponibles pour qui veut les découvrir, auprès de la Library of Congress of Washington12, disponibles à des milliers de kilomètres : chacune, chacun peut à chaque instant, retrouver sur son propre bureau l’image de ces textes. Y apparaissent de nombreuses traces et pas seulement des lettres : des dates, des schémas, des numéros, des traits, la couleur de l’encre ou du crayon, le mouvement de l’écriture, le mouvement de la pensée, le mouvement de l’âme, Seele.
Les manuscrits de Das Ich und das Es sont de ces quelques-uns que Freud a personnellement voulu conserver ; en effet, comme le rappelle Ilse Grubich Simitis, il avait pour habitude de ne pas conserver les brouillons de ses articles : « À peine avait-il la version imprimée en main, qu’il jetait, après qu’ils avaient accompli leurs services, les exemplaires manuscrits13 ».
De plus, on découvre que ces manuscrits sont doubles : l’un d’eux, le plus ancien, est comme un premier « trait/jet » de pensée ; 30 pages avec quelques rectifications, ajustements ou modifications, auxquelles sont annexées environ 2 pages de « questions annexes, thèmes, formules, analyses ». Le second manuscrit est lui de 36 pages sans annexes et se termine par une date : 20 septembre 22. On peut y voir beaucoup plus de modifications et d’interventions de toutes sortes de changements de mots, de préfixes, de paragraphes, suppressions, ajouts sous formes de collages… il s’agit de la version qui précède le texte imprimé. À contempler ces manuscrits, ils n’apparaissent finalement pas comme un « brouillon » (folder 2) et un manuscrit « au propre » (folder 1) : tous deux sont au travail.
Toutefois, la lettre de Freud rend le document à première vue illisible. Il y faudrait un déchiffrage en quelque sorte ; n’est-ce pas là ce qui se pratique en solfège ? La lecture des notes n’est pas seulement regard : tout le corps y participe au moment où ce déchiffrage vient à faire exister la pièce de musique. Une langue qui se lit mais ne se parle pas en vient à s’appeler « langue morte ». La parler est autre chose. Redonner vie à cette lettre c’est aussi lui donner corps pour la lire, afin qu’elle ne reste pas « lettre morte ». Ainsi, comme la voix (haute) s’imposait (à la lecture) de Schreber, il fallait ici du geste (de la geste aussi).
Le « dieu prothétique » est de plus en plus statique : chaque jour des gestes disparaissent, ceux du quotidien. Alltag. Bientôt de nombreux gestes ont et auront disparu : nos doigts pourraient se souder et nos mains devenir des moignons ! Le geste se dissoudre ? Retour à la plume que je n’ai jamais quittée vraiment, la trace écrite m’étant nécessité. Ainsi, afin que se révèle une partie de la lettre de Freud, apprendre à écrire, pas seulement lire, mais écrire et tracer : j’ai appris l’alphabet, une autre façon de faire passer la langue par le corps, d’apprendre une langue vivante, de retrouver son mouvement. Retrouver le corps du texte, sa chair, en acte.
Passages entre-lieux
Les manuscrits sont des lieux qu’il est possible d’habiter. Ils s’habitent à partir d’aujourd’hui, au temps d’internet, en passant par la main et par les yeux. Une façon d’aborder ce document peut être la suivante : dans Unbehagen in der Kultur14, Freud constate que la Kultur et ses formidables innovations n’apportent pourtant pas le bonheur. Il propose alors, pour en apprendre davantage sur cette énigme, de suivre le chemin suivant :
Laissons-nous guider pour cela sans hésitation par l’usage de la langue ou, comme on dit aussi : le sens/sentiment du génie (Sprachgefühl) de la langue, guidé en cela en toute confiance dans le fait que nous ferons de cette façon, justice à nos intuitions/insight intérieures qui se refusent encore à une expression en termes abstraits15.
Sprachgefühl, voilà ce que j’ai suivi.
Ainsi, ces deux manuscrits avec le texte imprimé constituent-ils trois lieux qui s’explorent, des lieux vivants. C’est dans ce mouvement, en passant de l’un à l’autre que l’on peut faire l’expérience des apparitions et des disparitions, des absences, des découvertes, des surprises : entre-lieux.
Dans son article « Ratschläge für den Arzt »16, Freud fait un ensemble de propositions techniques pour l’exercice de la psychanalyse :
[Cette technique] consiste simplement en ceci, de ne rien vouloir se souvenir en particulier et de porter à l’encontre de ce que l’on reçoit à entendre, notamment une « attention également suspendue », comme je l’ai déjà dénommée. On s’évite de cette façon l’effort d’une attention qu’on ne peut tout de même pas soutenir de longues heures quotidiennement, et on évite le danger, inséparable, de l’attention intentionnelle17.
Une technique qui consiste à porter une attention également suspendue donc, à ce qui est entendu, une attention qui plane…
C’est ici l’exercice : porter une attention également suspendue à ce que livrent le/les lieu/x des manuscrits ; au-delà du sens, les paragraphes hachurés de rouges qui disparaîtront de l’impression définitive, les quelques mots rajoutés en marge qui donnent le ton, les mots barrés parfois remplacés par d’autres, ou pas. Le texte écrit par Freud est un texte aussi écrit par Sigmund ; ce n’est pas une relique et en rencontrer la vigueur et l’actualité qui l’habite au-delà de l’époque est notamment possible en explorant un manuscrit qui dit la pensée le plus souvent encore inhabitée d’un certain nombre de conventions d’écriture : des phrases courtes, sans tenir compte de la grammaire ou de la syntaxe, sms avant l’heure, qui disent ainsi, en instantané, l’éclair de la pensée, de l’Einfall ! Freud cherche une citation :
Chap. 2 manuscrit 1 : irgendwo (quelque part)
Devient chap. 2 manuscrit 2 : wo? (où ?)
Devient chap. 2 imprimé : la note de bas de page avec sa référence apparaissent.
On découvre les inventions néologiques, Erspuren18, comme ce Trarbeit19 (enfin un véritable « concept » freudien !) condensation de Traum et Arbeit.
ERSPUREN
Trarbeit
Freud avait pour habitude de ne pas conserver les « brouillons » des manuscrits et ceux-ci sont restés. Peut-être justement parce qu’il ne s’agit ni de « brouillon », ni de « propre » et pas même de version « imprimée » ; peut-être que cet ensemble constitue un recueil de notes et que c’est la raison aussi pour laquelle Freud les a conservées :
Il est même vraisemblable que Freud ait conservé l’esquisse de « Das Ich und Das Es » surtout du fait de l’annexe de notes, dont il pouvait s’imaginer, qu’il allait revenir encore une fois sur telle ou telle idée plus tard.
Le premier manuscrit est cependant parsemé, outre la foison de notes qui se trouve à la fin de l’écrit, de détails subtils ; Dans la marge apparaît : sagen wir, « dirions-nous »… cela peut se dire ainsi.
Sagen wir (image 2, p. 1 du premier manuscrit)
Des Anmerkungen, remarques, apparaissent au milieu du texte :
Anmerkungen
Remarques : peut-être sous l’influence éducation et lecture, Über Ich couche plus profonde d’Ich. Sublimation dans relation à l’identif.
L’objet devient érotique à la marge21.
Erotisch
Car derrière l’idéal d’Ich se dissimule la première et la plus importante identification de l’individu, celle avec le père d’une préhistoire personnelle. Peut-être pourrait-on dire plus prudemment : avec les parents, car le père et la mère ne sont pas considérés différemment avant la prise de conscience de la différence sexuelle – manque de pénis. Cette première identification, disons-nous pour plus de simplicité : avec le père, ne semble pas être le succès ou l’issue d’une relation d’objet, mais une identification directe et immédiate, plus précoce que tout investissement d’objet érotique.
Denn hinter dem Ichideal steckt die erste u. bedeutsamste Identifizirg des Individuums, die mit dem Vater der persönlichen Vorzeit. Vielleicht könnte man vorsichtiger sagen: mit den Eltern denn Vater und Mutter werden vor der Erkenntnis den geschlechtsunterschied- Penismangels – nicht verschieden gewertet. Diese erste Identifizierung sagen wir*[se trouve à cet endroit un ajout de quelques lignes non reportées ici] der Vereinfachung halber: mit dem Vater scheint nicht der Erfolg oder Ausgang einer Objekt Besetzg zu sein, sondern eine direkte und unmittelbare, sie ist frühzeitiger als jede erotische [à la marge]22 Objektbesetzung.
La « transformation » Umwandlung (de l’objet libidinal) devient (peut-être plus polissée/policée) « transposition » Umsetzung23.
Paragraphe du deuxième chapitre sous de larges traits rouges :
Trarbeit hachuré24
Penser en images est donc un bw25 très incomplet. Peut-être distinguer plus nettement deux phases pour le Trarbeit dans le premier matériel de pensée transformé en images (phase optique) dans la deuxième la transformât. En langage recherché (considération pour la représentabilité) qui est encore visiblement sous domination des images. Le Tr[arbeit] cherche par là à redevenir vbw et avec traitement secondaire troisième phase introduite dans laquelle il est traité comme tout autre contenu vbw. De sorte que dans le Trarbeit deux directions successives seraient à reconnaitre : à partir de la matière du vbw comme reste diurne sous influence désir rflé26, régressif en matériel optique, puis progressif en nouveau contenu du vbw exprimé en langage plus tard encore rationalisé. Le Tr[arbeit] aussi, comme le Witz, serait laissé pendant un certain temps au travail de l’ubw, puis de là émergerait à nouveau en vbw.
Le mouvement qui permet de passer de l’un à l’autre révèle un travail en cours : l’artisan à l’œuvre est lui-même dans son effort, tout aussi bien l’objet qu’il travaille. Des passages entiers disparus dans le deuxième manuscrit seront finalement imprimés, des passages entiers développés dans le deuxième manuscrit n’apparaîtront plus dans la version imprimée qui reprend finalement le texte du premier manuscrit (par exemple à la fin du 1er chapitre). D’autres passages traversent mot à mot les 3 versions sans pratiquement aucune distinction (début chap. 2).
Dans ce texte en mouvement, les schémas sont des esquisses mouvantes ; à l’exercice de l’écriture, un schéma en bas de page se défait, peut aussi se lire de bas en haut en partant de la gauche vers la droite27 :
Un individu est un Es psychique inconnu et inconscient
Dans le second manuscrit, l’Ich perd sa Kurrentschrift du Alltag, le schéma se dessine en « miroir » ; finalement la version imprimée est-elle plus baladée par son cheval que les précédentes…
diesem sitzt das Ich oberflächlich auf um das/aus dem W-System als Kern gebildet
L’éloge fait à Groddeck s’atténue au fur et à mesure de l’écriture :
Premier écrit : (…) [ein Autor] in dem ich aber trotz dieser Geste den klar und kühn schauenden Forscher ehren muss31. ([un auteur] auquel, malgré cette geste, je dois rendre hommage en tant que chercheur clairvoyant et audacieux)
Deuxième écrit : (…) [ein Autor] in dem wir den kühn und klar schauenden Forscher anerkennen wollen32. ([Un auteur] chez qui nous voulons reconnaître un chercheur clairvoyant et audacieux)
Version publiée : (…) [eines Autors]…33(Un auteur)
Ainsi Groddeck se retrouva-t-il recouvert par Nietzsche :
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Éloge Groddeck
Et bien je pense que nous tirerons le plus grand avantage si nous suivons la proposition stimulante d’un auteur qui, pour des motifs personnels, se présente comme s’il n’avait rien à voir avec la haute et rigoureuse science, mais auquel, malgré cette geste, je dois rendre hommage en tant que chercheur clairvoyant et audacieux. Je veux parler de G. Groddeck, qui ne cesse de souligner que ce que nous avons l’habitude d’appeler notre Ich se comporte dans la vie d’une manière essentiellement passive, comme il le formule, que nous sommes vécus par des forces ubw. Nous considérons sérieusement son éclairage en ceci que nous appelons l’entité qui part du Wsystem, pour autant qu’il soit Vbw, l’Ich ; et l’autre psychique cependant, dans lequel il se prolonge et se comporte (comme) ubw, l’Es, selon l’usage de Groddeck.
Le chapitre III du deuxième manuscrit (qui correspond d’ailleurs au IV dans le premier manuscrit) est particulièrement complexe dans sa présentation : paragraphes bleuis, signes au crayon de couleur rouge, puis au stylo rouge, annotations en marge, page découpée, par endroits numérotations de paragraphes et non plus des pages, des paragraphes qui se déplacent dans la version imprimée ou qui disparaissent définitivement, qui se transforment parfois en notes de bas de page. Le déplacement de texte doit-il encore être considéré comme « paragraphe » ? De même qu’il ne s’agit ni de « brouillon » ni de « version au propre », y-a-t-il « paragraphe » ? « Chapitres » et « paragraphes », catégories qui se défont, laissent place au texte qui se déplace : il palpite.
Relation œdipienne qui plonge sous le bleu et finalement s’évapore
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En conséquence de la configuration triangulaire de la relation œdipienne, l’issue de cette transformation n’est pas tout à fait la même que celle qu’elle devrait être plus tard. Le choix d’objet de la mère conduit chez le garçon à un renforcement de l’identification primaire au père, tandis que la position féminine qui a pris le père comme objet sexuel, après qu’elle a été surmontée, laisse derrière elle une modification d’Ich au sens d’une identification à la mère.
bleibt, reste !
Ainsi, on peut supposer comme effet le plus général de la phase sexuelle dominée par le complexe d’Œdipe, un dépôt [une sédimentation] dans l’Ich, qui consiste en la mise en place de ces deux identifications, en quelque sorte conciliables entre elles. Cette modification d’Ich conserve sa position particulière, elle s’oppose à l’autre contenu d’Ich en tant qu’Ichideal ou Über-Ich.
Phrase hachurée :
Es ist leicht zu zeigen, dass dieses Ichideal allen Ansprüchen genügt die man an das « höhere Wesen » stellt. (Il est facile de montrer que cet idéal d’Ich satisfait à toutes les exigences que l’on pose à l’être supérieur).
Absence :
Le chapitre V du premier manuscrit, « L’Über-Ich comme agent d’Es », devient chapitre IV, puis V « La dépendance d’Ich » :
Petit papillon ajouté :
Papillon41
D’où tire-t-il la force de cette souveraineté, le caractère coercitif qui s’exprime comme un « impératif catégorique », j’apporterai plus tard une supposition à ce sujet.
Au cours de cette Wandel-ung, à la fois, promenade, cheminement, transformation, voire métamorphose, pas de brouillon ni de « propre », mais des ouvertures, des reliefs, toute une sédimentation d’Ich, politique ? Scientifique ? Et bien d’autres. Petit à petit la Kurrenschrift trouve sa place dans le geste et dans la main. La transcription en Normalschrifft n’est plus nécessaire ; elle a d’ailleurs aussi sa place dans le texte freudien puisqu’elle apparaît dans le manuscrit chaque fois qu’un terme devient « érudit » : l’ du premier schéma devient , comme, ubw, vbw, vdgt et sûrement pas l’ idem qui ne sont jamais écrits en kurrent, une voie possible pour une autre exploration d’Ich et d’Es. Biologie devient physiologie :
Aufschluss devient Auskunft :43
La distinction en conscient et inconscient est finalement une question de perception, à laquelle il doit être répondu par oui ou par non, et l’acte de perception en lui-même ne donne pas [d’explication] de renseignement concernant le fondement à partir duquel quelque chose est perçu ou n’est pas perçu.
C’est ainsi que penser aussi est effet de sublimation érotique
Acte érotique en annexe :
Hypothèse : une énergie de déplacement dans l’Ich indiff., desexual sublimée, vraisemblablement aussi dans l’Es. Par-là penser devient acte érotique.
« Es träumte mir »
dit Schreber, (Es m’a rêvé)…
dit Freud (ce pauvre Ich est aussi une chose)
Geste d’écrire plutôt que décrire : l’exercice révèle un texte dont le « sens » est aussi sensation, se déploie, plutôt que de se figer. Peut-être une ouverture vers une traduction qui serait de passage/s.
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