À propos de la revue neutre

Appeler « neutre » une revue de psychanalyse peut surprendre. Cette mise provient de la distinction de deux analytiques du sexe, l’analytique du lien, celle du lieu, mais où le deux échapperait au binarisme. Comment répondre à la question du genre, ouverte par les études gays et lesbiennes ? La déclaration de Lacan : « Il n’y a pas de rapport sexuel » libère de nouvelles propositions pour l’analyse. Finie la distinction normal/pathologique. La volonté s’exerce aux côtés du soulèvement. Place est donnée à l’altérité littérale. Un accueil décisif est fait à la folie par la prise en compte de la valeur propre de la parole insensée. L’objet s’efface tout doucement. Le lieu de l’Autre se réduit à… un lieu. La cause perd de sa portée. Le statut de l’image valorise sa puissance érogène. L’accent est mis sur le caractère « troumatique » (Lacan) de la fin de l’analyse. Quelle conséquence pour l’érotique ?
La mise en ligne de neutre propose à ses lecteurs l’exploration de tout « ça ».

revue neutre n°2

À la merci d’une nuance

Sommaire

À la merci d’une nuance

Le geste artistique improvisé (Jean-Sébastien Mariage)

Es suite (Pola Mejía Reiss)

Freud en chantier (Marie-Caroline Heimonet)

Foucault féerie (Guy Casadamont)

Ce qu’on dit mère (Raquel Kader)
Cartographie du neutre (Víctor Arratia, César Casiano, Jaime Ruíz Noé, Adriana Villatoro, Virginia Vogliotti)

Exercices de lecture-écriture (Rafael Perez)

Quand le neutre se fait silence (George-Henri Melenotte)

À propos de Marie de la Trinité

Marie de la Trinité (Emmanuel Pic)

« Votre névrose est grave, très grave » (Raquel Capurro)

Varia

« …de la bactérie à l’oiseau ». Présentation des « Zoológicas lacanianas » (Manuel Coloma)

Documents

« Les unités de valeur, on s’en fout ! » (Viviane Dubol)

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Ah, le neutre ! Ce terme inconfortable ! Voici la musique, d’abord, qui résonne de façon si particulière quand elle renonce à la mélodie. Le geste artistique improvisé laisse advenir du neutre, permettant notamment de se tenir « à la merci d’une nuance ». Faisant suite à un article paru dans le numéro 1, le Es, cette fois conjugué à l’expression Neue Sachlichkeit, si difficile à traduire, émerge du contexte de l’expérience historique de la Grande Guerre. Il mettra en avant un autre terme de Freud, das Unerkannte, l’inconnu, décisif dans l’approche du neutre. De Freud encore, on découvrira une analyse inédite de ses chantiers manuscrits sur le Es, de leur constante évolution et de leur équivalence, ce qui rend bien difficile de s’en tenir à la version définitive des Gesammelte Werke. Une lecture critique du dernier ouvrage de Guy Le Gaufey sur La règle de trois foucaldienne souligne la portée du style de Foucault. Tout en émettant des réserves sur la persistance de cette règle, le propos se déplace vers ce point central chez Foucault de l’incommensurabilité des mots et des choses. Et puis un questionnement s’ouvre à partir de « ce qu’on dit mère » à la lumière de la seconde analytique du sexe : Quelle serait la nécessité pour la femme d’être logée au lieu de l’Autre ? Quand tel est le cas, que produit la localisation de la/une femme en ce lieu de l´Autre ?

L’essai d’une première « cartographie du neutre », ici et maintenant, suppose l’arpentage d’une terre inconnue, pas d’un concept. On y repère des incidences de neutre dans la littérature, la linguistique, la philosophie et la psychanalyse. On aperçoit sa présence variable selon les langues, sa relation avec le sujet et l’auteur moderne, jusqu’à la question du sexe et du genre.

S’est-on suffisamment penché sur la lecture ? s’interroge-t-on ensuite. Cet exercice qui, conjoint à l’écriture, devient une « lecture-écriture ». On entre dans une nouvelle expérience d’une densité particulière. Foucault y participe, expérience que Lacan et Barthes ont aussi proposée. Ces exercices de lecture-écriture peuvent mener à un « devenir autre que ce qu’on est, autre que soi-même ».

Vieille rengaine de la tradition analytique, voici le silence revisité par Roland Barthes dans son cours sur Le Neutre, puis par Jacques Lacan, surtout lors de sa rencontre avec le tableau d’Edvard Munch, Le Cri, enfin par Jean Allouch qui préconise in fine le silence que l’analyste pratiquerait vis-à-vis de lui-même. Son « ne pas penser » laisserait à l’analysant la liberté de découvrir par lui-même l’inexistence de l’Autre.

Une nouvelle rubrique, À propos, vient s’inscrire dans ce numéro. Il s’agit de situer l’expérience mystique de Marie de la Trinité dans le contexte théologique et historique de son époque, comment son expérience de la grâce et ses vicissitudes la firent évoluer entre obéissance et insoumission, et comment son analyse avec Lacan la fit sortir de ce carcan. Dans son récit de la première grâce, on reconnaîtra bien des points propres au neutre.

Enfin, dans la rubrique Varia, est problématisée la référence constante à l’animal chez Lacan.  Si pour Lacan, l’humain s’est constitué par sa proximité avec l’animal, la notion d’effaçons ou d’effacements devient fondamentale.

Dans la rubrique Documents, est proposée une analyse détaillée des interventions de Lacan lors des secousses de mai 1968, la manière dont il peaufina alors ses quatre discours, attentif à ce mouvement.

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